En reprise d’entreprise, les diagnostics ne sont pas obligatoires. Pourtant, en-dehors du cadre spécifique d’une transmission familiale, rares sont les repreneurs qui peuvent s’en passer pour évaluer lucidement leur cible. L’analyse d’experts-comptables comme des avocats constituent des sauf-conduits salutaires pour un closing sans mauvaises surprises. Notre expert-comptable spécialiste de la reprise commente les enjeux de son intervention aux côtés des repreneurs.
Si le repreneur acquière une entreprise déjà sur les rails, des équipes constituées qui ont l’habitude de travailler ensemble avec un carnet de commandes, un fichier clients à jour… la reprise d’entreprise est rarement un raccourci aussi simple. Entre la recherche de cibles, les prix parfois très élevés d’achat, le montage financier à réaliser avec les incontournables demandes de financement, la reprise d’une entreprise est dans la plupart des cas un parcours assez complexe.
Une transmission d’une activité peut s’étaler entre 6 et 18 mois en moyenne. Mais en fonction des typologies de reprise ou de la complexité de la reprise, la période d’accompagnement peut être plus ou moins longue. On constate toutefois que cette période tend à se raccourcir, le vendeur désirant passer à autre chose tandis que l’acquéreur souhaite prendre le contrôle effectif et intégral des opérations. A l’inverse, lors d’une transmissions familiale entre parents et enfants, la période de transition sera plus longue.
Certains cabinets spécialisés en cession-acquisition peuvent vous accompagner dans vos recherches d’entreprises à reprendre. Il est aussi possible de solliciter votre chambre de commerce, les clubs d’entreprises dédiés à la reprise et autres antennes locales pouvant vous mettre en relation avec des entrepreneurs sur le point de céder leur affaire.
Dans tous les cas, tout démarre lorsqu’il s’agit d’analyser les premières cibles identifiées.
Un primo diagnostic de reprise pour déterminer le bon plan de bataille
Sans rentrer dans le détail des étapes de la reprise d’entreprise que vous devez déjà certainement avoir en tête, rappelons que ce que l’on appelle les « diagnostics » ou l’audit d’acquisition intervient après avoir formulée votre lettre d’intention. Courrier par lequel vous « formulez votre intention » de négocier le rachat de l’entreprise. C’est ce premier pas à l’adresse du cédant qui vous permet d’entamer les démarches d’évaluation de votre cible.
« Rares sont les projets qui peuvent se passer, en plus de l’expertise comptable, de l’intervention d’un avocat précise Jean-Philippe Besnier, expert-comptable Amarris responsable de notre bureau de Guérande et spécialiste des dossiers de reprise. Dans certains cas, il faudra aussi recourir aux services d’un notaire pour lever toutes les incertitudes qui constituent autant de petites bombes à retardement pour le repreneur. D’emblée, cela suppose d’aborder le budget d’honoraires associé au projet de reprise. «
Comment déterminer les audits à mener pour une reprise d’entreprise réussie ? « Lorsque je reçois un repreneur pour la 1re fois, il a généralement déjà identifié sa cible. Dès ce premier RDV précise encore Jean-Philippe, au vu des informations dont on dispose déjà, il est possible de réaliser une sorte de « mini-audit » qui permet de déterminer les données à récupérer et les analyses à opérer. A l’issue de ce 1er RDV, on peut déjà généralement déterminer un premier plan de reprise. On peut démarrer l’audit d’acquisition. »
Diagnostiquer la cible, un triple objectif pour une reprise réussie
Sauf à parfaitement connaître votre entreprise cible (repreneur ex-salarié ou membre de la famille du cédant), pouvoir se passer d’intermédiaires pour le rachat d’une entreprise relève soit du miracle, soit de l’inconscience… L’analyse de la cible doit être à la fois pertinente et rapide pour permettre une négociation éclairée. Cette étape critique doit donc permettre rapidement d’aboutir à trois conclusions.
1. Audit de reprise : une évaluation lucide de la faisabilité entrepreneuriale
Dans l’analyse d’une entreprise à reprendre, il faut bien sûr prêter une attention particulière aux points forts qui seront justement valorisés dans le prix d’achat, mais ceux-ci ne doivent pas minimiser les difficultés inhérentes à chaque entreprise. Pour Jean-Philippe « ma mission consiste justement à mettre en lumière tous les « loups » non identifiés à 1re vue. Cela veut dire tout vérifier et faire parler les chiffres quand c’est nécessaire. Par exemple, si l’on constate des créances très importantes à l’extérieur, est-ce que les créances clients sont vraiment provisionnées ? Les stocks sont-ils correctement évalués ? Est-ce qu’il faut exiger une garantie de passif dans la négociation ? Bref, il s’agit de cerner le plus précisément possible tous les risques à investir de l’argent dans une affaire qui finalement ne vaudrait pas du tout la valeur affichée… »
Enfin, au-delà de l’analyse très importante des risques et des difficultés qui doivent faire relativiser le prix de vente, vous devez pouvoir vous projeter lucidement, en tant que futur entrepreneur.
L’entreprise correspond-t-elle vraiment à vos objectifs personnels ? A ce que vous êtes prêt à assumer ? Un bilan comptable peut révéler des difficultés liées au modèle économique ou au personnel en place. Autant de d’aspects qui peuvent motiver certains entrepreneurs ou au contraire, provoquer la fuite immédiate…
2. Pour un prix de vente réaliste
Celui-ci incarne deux visions diamétralement opposées :
- Patrimoniale pour le cédant : celui-ci va souhaiter valoriser au mieux ses actifs puisqu’à ses yeux, et c’est bien normal, ceux-ci reflètent des années d’implication et de travail.
- Pragmatique pour le repreneur qui s’attache à valoriser, au plus juste, la rentabilité de l’activité et les perspectives de croissance.
Lorsque c’est nécessaire l’audit d’acquisition permet de ramener le prix de vente à des réalités tangibles qui traduisent précisément le potentiel de l’entreprise cédée. Reste ensuite à confronter les évaluations pour trouver un terrain d’entente équilibré pour les deux parties.
3. Avec un plan des actions prioritaires de gestion à venir
Le diagnostic de reprise préfigure déjà, souvent, la feuille de route du repreneur. Dès que vous décidez d’aller « au closing », l’analyse fournit par l’audit d’acquisition vous permet de vous projeter.
Et quand l’activité reprise est en difficulté, le chronomètre n’est jamais loin. Certaines décisions et actions devront être actionnées très rapidement. « C’est une période complexe pour le repreneur qui récupère « tout d’un coup » et doit assumer des choix passés qui ne lui appartiennent pas. Même pendant la période de tuilage où le cédant est encore sur le terrain. Il faut être partout à la fois en dosant justement compromis et passage à l’action. »
Le conseil de l’expert : en signant pensez déjà à l’après-closing….
Quel que soit votre parcours, une reprise d’entreprise est généralement très entourée. Il y a le cédant, les différents experts que vous sollicitez au cours de l’achat, les intermédiaires, etc. Ce sont autant d’échanges qui nourrissent votre réflexion, de démarches qui rythment votre quotidien. Une fois à la tête de l’activité, vous n’aurez certainement pas matière à vous ennuyer non plus. En revanche vous voilà, dans la plupart des cas, seul aux commandes. Mieux vaut alors bien vous entourer.
« Naturellement en tant qu’expert-comptable, c’est une période où nous sommes très présents auprès des repreneurs puisque sur le plan comptable et plus largement le pilotage de l’activité mais aussi le plan social (gestion des paies et des dossiers du personnel), il y a beaucoup à faire si l’entreprise n’avait pas de structure administrative solide conclut Jean-Philippe. Mais pensez aussi aux associations de chefs d’entreprises locales et autres réseaux d’entraide, leur soutien bienveillant se révèle souvent salutaire. »
Votre chambre de commerce ou de métier peut vous mettre en relation avec des réseaux locaux ou reliés à votre secteur d’activité. Il existe également des clubs dédiés à la reprise. Rejoindre un réseau permet de comparer les retours d’expériences, de partager les difficultés inhérentes à toute gestion d’entreprise, quelle que soit la taille et le contexte de la reprise.